Une adoration: un amour tragique devant le tribunal populaire
Soir de théâtre
Une adoration: un amour tragique devant le tribunal populaire
Jean-Sébastien Lévesque
Le 21 avril dernier était soir de première au Théâtre du nouveau-monde. Tout le beau monde culturel y était, les caméras crépitaient dans le hall débordant. Pas facile de faire son chemin jusqu'à son siège. On y présentait l'adaptation au théâtre du récent roman de l'auteur canadienne Nancy Huston, "Une adoration".
L'histoire est celle d'une mère de famille, élevant seule ses deux ados dans un village de province. Sur la place du village, elle subit son procès. Son amant, un artiste célèbre, avec qui elle a eu une relation inespéré et inattendue, est mort assassiné. Du coup, le public devient le juge silencieux devant qui tout les acteurs du drame déverseront leur ragots et leurs frustrations.
Elke, l'amoureuse, est pleine de naïveté et on a peine a croire que ses deux enfant, Franck et Fiona, sont les siens tant ils sont remplis de colère et de cynisme. L'aliénation est totale entre Elke et Franck, dont la violence est latente. Fiona, subjuguée par ce grand-frère à tête forte, singe son comportement et oppose une résistance cruelle à sa mère.
C'est dans ce contexte que débarque Cosmo, un fils du village devenu célèbre comédien dont le regard doux-amer sur le monde qui l'entoure enchante les foules dans tout le pays. Sa capacité d'émerveillement et son comportement excentrique l'aliène pourtant lui aussi de ses parents, dont la mère acariâtre est le plus flagrant exemple d'un conservatisme sévère de clocher. Son père, autrefois un aspirant artiste, retient difficilement son ressentiment face à ce fils qui a réussi dans une vie qu'il aurait aimé avoir.
L'histoire d'amour impromptue - brève, sensuelle et intense - entre Elke et Cosmo est le détonateur qui vient faire exploser le couvercle sous lequel couve tout les malaises: les rancoeurs de longues dates entre couples, familles et voisins. La paisible vie de village en prends pour son rhume. Le bonheur radieux de Elke devient insupportable d'abord pour ses adolescents, qui méprennent le droit à l'amour de leur mère pour une insulte de plus dans leur courte existence. La mère de Cosmo s'insurge contre cette histoire supposément amorale, surtout effrayée par le potentiel qu'elle a de réveiller de vieux secrets de famille. Cosmo lui-même, par qui le scandale arrive, devient effrayé par ce trop-plein de bien-être qu'il a provoqué.
C'est ainsi que Cosmo quitte soudainement Elke. Pour quelqu'un d'autre: un amant qui ne s'exprime que par son violon. Et Cosmo meurt poignardé... Qui a tué? L'accusée, bien évidemment, c'est Elke. Voilà ce que l'on gagne à être amoureux.
C'est un très beau texte, une polyphonie qui offre un éventail d'émotions humaines toutes plus vraies et invariablement en opposition les unes aux autres, que propose ici Nancy Huston. Le nombre d'événements et de motivations organiquement imbriqués exprime bien la complexité des rapports humains qu'on cherche toujours a simplifié mais qui résistent à la caricature. Ainsi, un village paisible et reculé regoorge d'intérêts conflictuels. Ainsi une mère qui élève seule et courageusement ses deux enfants est-elle détesté et le père déserteur demeure une figure mythique et adorée. Ainsi une mère acariate n'est pas qu'une réactionnaire de village.
Pêle-mèle, les messages trop nombreux deviennent cependant un peu dilué et un brin trop complexe pour une pièce à avaler en deux heures tout rond. On y retrouve l'opposition grande-ville/village, étrangers/locaux, l'aliénation des adolescent, l'amour-passion, l'amour impossible, l'amour de l'art, l'amour de l'amour, l'amour homosexuel, le crime haineux, le racisme, le passé lourd de secrets... Et on interpèle le public pour en faire l'actif-passif juge de ce tribunal populaire. Pas simple, le métier de spectateur.
C'est une pièce post-moderne: le temps et l'espace est élastique, le tribunal est présent et absent, et les vérités sont encore plus nombreuses qu'il y a d'acteurs à la barre. Le texte est fluide et remplie de perles, le jeux des acteurs était intense - un salut particulier aux interprète de Franck et Fiona - , et la musique comme le décor sont inventifs. Malheureusement, la pièce n'est plus à l'affiche, déjà. Aussi vous faudra-t-il vous contenter du livre, ce qui n'est pas plus mal, bien au contraire. Le message lourd mais pertinent gagne à être absorbé à petite dose.
Une adoration, mise en scène par Lorraine Pintal d'après un roman de Nancy Huston, mettait notamment en vedette Macha Limonchik (Elke), Emmanuel Bilodeau (Cosmo), Marie Tifo (la narratrice/auteur), Marie-Ève Pelletier et Benoît McGinnis (Fiona et Franck), en plus du public (le juge). On y goûtait aussi le talent des acteurs Pierre Collin, Louise Turcot, Danny Michaud et Charles-Étienne Marchand. Le roman de Nancy Huston est publié chez Acte-sud et date de 2004.
Une adoration: un amour tragique devant le tribunal populaire
Jean-Sébastien Lévesque
Le 21 avril dernier était soir de première au Théâtre du nouveau-monde. Tout le beau monde culturel y était, les caméras crépitaient dans le hall débordant. Pas facile de faire son chemin jusqu'à son siège. On y présentait l'adaptation au théâtre du récent roman de l'auteur canadienne Nancy Huston, "Une adoration".
L'histoire est celle d'une mère de famille, élevant seule ses deux ados dans un village de province. Sur la place du village, elle subit son procès. Son amant, un artiste célèbre, avec qui elle a eu une relation inespéré et inattendue, est mort assassiné. Du coup, le public devient le juge silencieux devant qui tout les acteurs du drame déverseront leur ragots et leurs frustrations.
Elke, l'amoureuse, est pleine de naïveté et on a peine a croire que ses deux enfant, Franck et Fiona, sont les siens tant ils sont remplis de colère et de cynisme. L'aliénation est totale entre Elke et Franck, dont la violence est latente. Fiona, subjuguée par ce grand-frère à tête forte, singe son comportement et oppose une résistance cruelle à sa mère.
C'est dans ce contexte que débarque Cosmo, un fils du village devenu célèbre comédien dont le regard doux-amer sur le monde qui l'entoure enchante les foules dans tout le pays. Sa capacité d'émerveillement et son comportement excentrique l'aliène pourtant lui aussi de ses parents, dont la mère acariâtre est le plus flagrant exemple d'un conservatisme sévère de clocher. Son père, autrefois un aspirant artiste, retient difficilement son ressentiment face à ce fils qui a réussi dans une vie qu'il aurait aimé avoir.
L'histoire d'amour impromptue - brève, sensuelle et intense - entre Elke et Cosmo est le détonateur qui vient faire exploser le couvercle sous lequel couve tout les malaises: les rancoeurs de longues dates entre couples, familles et voisins. La paisible vie de village en prends pour son rhume. Le bonheur radieux de Elke devient insupportable d'abord pour ses adolescents, qui méprennent le droit à l'amour de leur mère pour une insulte de plus dans leur courte existence. La mère de Cosmo s'insurge contre cette histoire supposément amorale, surtout effrayée par le potentiel qu'elle a de réveiller de vieux secrets de famille. Cosmo lui-même, par qui le scandale arrive, devient effrayé par ce trop-plein de bien-être qu'il a provoqué.
C'est ainsi que Cosmo quitte soudainement Elke. Pour quelqu'un d'autre: un amant qui ne s'exprime que par son violon. Et Cosmo meurt poignardé... Qui a tué? L'accusée, bien évidemment, c'est Elke. Voilà ce que l'on gagne à être amoureux.
C'est un très beau texte, une polyphonie qui offre un éventail d'émotions humaines toutes plus vraies et invariablement en opposition les unes aux autres, que propose ici Nancy Huston. Le nombre d'événements et de motivations organiquement imbriqués exprime bien la complexité des rapports humains qu'on cherche toujours a simplifié mais qui résistent à la caricature. Ainsi, un village paisible et reculé regoorge d'intérêts conflictuels. Ainsi une mère qui élève seule et courageusement ses deux enfants est-elle détesté et le père déserteur demeure une figure mythique et adorée. Ainsi une mère acariate n'est pas qu'une réactionnaire de village.
Pêle-mèle, les messages trop nombreux deviennent cependant un peu dilué et un brin trop complexe pour une pièce à avaler en deux heures tout rond. On y retrouve l'opposition grande-ville/village, étrangers/locaux, l'aliénation des adolescent, l'amour-passion, l'amour impossible, l'amour de l'art, l'amour de l'amour, l'amour homosexuel, le crime haineux, le racisme, le passé lourd de secrets... Et on interpèle le public pour en faire l'actif-passif juge de ce tribunal populaire. Pas simple, le métier de spectateur.
C'est une pièce post-moderne: le temps et l'espace est élastique, le tribunal est présent et absent, et les vérités sont encore plus nombreuses qu'il y a d'acteurs à la barre. Le texte est fluide et remplie de perles, le jeux des acteurs était intense - un salut particulier aux interprète de Franck et Fiona - , et la musique comme le décor sont inventifs. Malheureusement, la pièce n'est plus à l'affiche, déjà. Aussi vous faudra-t-il vous contenter du livre, ce qui n'est pas plus mal, bien au contraire. Le message lourd mais pertinent gagne à être absorbé à petite dose.
Une adoration, mise en scène par Lorraine Pintal d'après un roman de Nancy Huston, mettait notamment en vedette Macha Limonchik (Elke), Emmanuel Bilodeau (Cosmo), Marie Tifo (la narratrice/auteur), Marie-Ève Pelletier et Benoît McGinnis (Fiona et Franck), en plus du public (le juge). On y goûtait aussi le talent des acteurs Pierre Collin, Louise Turcot, Danny Michaud et Charles-Étienne Marchand. Le roman de Nancy Huston est publié chez Acte-sud et date de 2004.
0 Comments:
Post a Comment
<< Home